Nous poursuivons nos entretiens sur cette fièvre qui touche petits et grands et qui continue à faire des émules.
Le feu fera bientôt taire cette liesse et le repos du carême se fera assourdissant.
Pour cette nouvelle interview, nous recevons an missié, ki fèt anlo biten pou kilti an nou , missié Philippe Pilotin, poète, écrivain, auteur-compositeur,
collectionneur, animateur et présentateur radio/télé.
Que représente pour vous le carnaval ? Émotion, tradition, histoire, gastronomie…
Sous les latitudes des Antilles françaises, c’est le moment excitant le plus attendu de l’année. D’ailleurs les écoles comme la plupart des administrations sont fermées et il en va de même pour les autres secteurs d’activités qui tournent eux aussi, au ralenti. A noter que les autorités préfectorales et policières les y encouragent vivement. Durant cette période, la population sans distinctions d’âge, se jettent corps et âme dans les différents vidés carnavalesques de la semaine, aux rythmes des tambours et autres instruments de musique. Les visiteurs s’agglutinent en masse le long des routes où défilent les divers cortèges ou groupes à pied, attirés par la chaleur de l’ambiance. Souvent, gagnés par l’effervescence qui se dégagent à travers ces « déboulés« , certains d’entre eux n’hésitent pas un instant à entrer dans la ronde, entraînés par l’euphorie cette chaude ambiance. Parfois, il n’est pas rare de voire des handicapés, faire fi de leur handicap, pour prendre part à leur manière, à cette fête populaire.
Durant mon enfant, je vivais le carnaval à « 100 à l’heure ». C’était pour moi, un moment privilégié. D’ailleurs, dès le 1er dimanche du mois de janvier, je n’hésitais pas à rejoindre une bande de copains pour le défilé de petits groupes masqués à pied. Nous faisions du porte à porte en quête d’une petite pièce (Fameuses pièces jaunes avec un coq sur l’une des faces). Les moins généreux ou récalcitrants des gens que l’ont visitaient étaient enfarinés. Nos parents préparaient aussi les beignets dits « beignets de carnaval », que certains d’entre nous vendaient dans nos petits paniers en osiers. La recette de la vente, au centime près, était remise à nos mères.
Quand le carnaval battait son plein, on pouvaient voire et apprécier les déguisements en tous genres, les nègres gros sirops, les chansons coquines ou « osées », la caricature d’hommes politiques et le fameux « bwa-bwa » de Vaval qui était une caricature d’un fait de l’actualité locale, française ou internationale.
Le carnaval était si important que chaque commune avait le sien et élisait sa reine. La fameuse parade en char était le clou du spectacle avec les sonos qui pétaradaient et crachaient des décibels sans oublier la reine qui paradait dans sa tenue plus belle tenue pour l’occasion. Ces chars, étaient joliment décorés avec un orchestre improvisé (camion de type « Mercedes ou Man » relooké pour la circonstance.
Quel moment du carnaval aimez vous le plus ? (Martinique, Guadeloupe, Guyane) pourquoi ?
Le jour du mardi gras était le summum de l’événement. Tout le monde arborait le traditionnel déguisement rouge et noir (diablotin) et le mercredi des cendres (l’avis d’obsèques rigolote et sans commune mesure de sa majesté Vaval) la foule paré de noir et blanc, tenue de deuil pour accompagner sa majesté, défunt Vaval à sa dernière demeure « En place publique, où il est tout simplement brûlé ». En Martinique comme en Guadeloupe ou même en Guyane, j’ai eu maintes fois l’occasion d’assister au carnaval. Ils m’ont tous séduit. Chaque d’eux ont leur spécificité et j’ai bien du mal à choisir. Tous trois se valent.
Quel regard portez vous sur le carnaval ? (Tradition respectée ? Dérives ? Organisation ?)
Malheureusement, la tradition est plus ou moins respectée et le carnaval a perdu dans sa spécificité. Aujourd’hui, tout est plus ou moins structuré et on ne peut plus défiler comme d’antan si on n’appartient pas à un groupe. On ne retrouve plus le même charme et la même ambiance d’autrefois. Le côté « argent » a malheureusement pris le dessus sur l’essence même du carnaval « antillais » au point qu’il a perdu de son authenticité. Les règlements de compte ont fait apparition entre bandes rivales au lieu de l’émulation qui les motivaient avant, On dénombre beaucoup de viols, d’agressions verbales et physiques, les vols sont devenus légions, les drogues diverses et l’alcools sont de plus en plus présents et les automobilistes se font souvent spolier par des jeunes qui s’improvisent
Quel(s) est(sont) pour vous le(s) carnaval(s) le(s) plus festif(s) ?
Pour moi, cela reste avant tout le carnaval dominicains (La Dominique à ne pas confondre avec la république dominicaine) en ce qui concerne la Caraïbe. D’ailleurs beaucoup des nôtres profitent de cette période pour y séjourner même si pour les européens, c’est Rio de Janeiro qui est en tête des hits parades des carnavals. Il y a aussi celui de Londres, de Nice et l’Italie mais ce n’est pas la même chose.
Racontez nous un souvenir lié au carnaval ?
Lors de mon premier carnaval, je m’étais tellement défoulé en prenant part à tous les défilés et parades que je tenais plus sur mes jambes qui s’étaient endolories. Je suis resté alité pendant trois, craignant même d’être paralysé, mais heureusement, le « Rimèd razié » de ma feu ma grand’mère fut pour moi d’un grand secours.