Alexis Leger alias Saint John Perse, est né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), le 31 mai 1887, de Marie, René, Auguste, Alexis Leger. Son père Amédée Leger, avocat, est issu d’une famille de juristes installée en Guadeloupe depuis 1815. Sa mère, Françoise-Renée Leger, née Dormoy, appartient quant à elle à une riche famille de planteurs établie aux Antilles Françaises (aussi bien en Guadeloupe qu’en Martinique) depuis le XVIIIe siècle.
Saint-John Perse passa son enfance dans le bonheur et l’affection familiale dans un cadre privilégié . Élève studieux au Lycée Carnot , il séjourna fréquemment pendant son enfance dans les plantations familiales, « La Joséphine« , plantation caféière et « Le Bois-Debout » [Site de la famille Dormoy] où l’on cultive la canne à sucre. Ce petit monde en contact avec une nature protégée, et riche de la fréquentation de ce concentré de la société créole que constitue le microcosme des travailleurs et des domestiques employés sur ces deux « Habitations », le marqua profondément.
En Mars 1899, Amédée Leger décide le départ de sa famille vers la France, qui s’installe à Pau. Cet exil fait suite à l’élection en 1897 de Hégésippe Légitimus, premier député de couleur puis président du Conseil général, qui fut à la tête d’un mouvement très vindicatif, qui promettait des jours sombres aux familles de colons.
L’adaptation est difficile et le cadre de la vie métropolitaine décevant, mais Alexis poursuit ses études secondaires et ce, jusqu’à l’obtention du baccalauréat.
En 1902, à Pau, il rencontre le poète Francis Jammes qui aura une certaine influence sur lui et son oeuvre « Images à crusoé ». Il se lie également d’amitié avec Gustave-Adolphe Monod.
En 1904 , il obtient le baccalauréat avec mention et poursuit ses études à Bordeaux en droit, où il suit également des cours de médecine, de Sciences et de Lettres, répondant là à sa curiosité intellectuelle, sa soif de savoir. Il se lie avec le petit cercle littéraire et artistique constitué par Gabriel Frizeau, viticulteur bordelais lettré et esthète. C’est chez Frizeau qu’il rencontre Paul Claudel, ou encore le peintre Odilon Redon.
En 1905, il effectue son service militaire au 18e régiment d’infanterie de Pau.
En 1906, Saint John Perse débute d’une licence de philosophie. Lecture de Nietzsche et Spinoza. Rencontre de Jacques Rivière.
La mort de son père en 1907, est très douloureusement pour Alexis, alors âgé de vingt ans.Compte tenu de la toute nouvelle situation matérielle de la famille, il est contraint d’interrompre ses études et prend en charge la subsistance des Leger. Il traversera ce qu’il nomme une « crise philosophique et spirituelle » , ce qui l’amènera à reformuler entièrement ses conceptions et les idéaux philosophiques qui se retrouveront dans ses poèmes.
En 1909, il rédige « Images à Crusoé », qu’il publiera dans la Nouvelle Revue Française (NRF). Il revisite le mythe de Robinson Crusoé, le personnage du banni qui vit le retour à la civilisation comme un damné, hanté par le souvenir obsédant de l’île.
En 1910, il obtient sa licence de droit.
Le 1er Juin 1911, publication de la première version d’Eloges à la NRF.
1912, publication d’Eloges en volume aux éditions de la NRF. Sous la recommandation de Paul Claudel notamment et encouragé par Arthur Fontaine, Secrétaire général du Ministère du Travail, il est introduit dans le milieu de Ministère des Affaires Etrangères (surtout auprès de Philippe Berthelot), dont il décide de préparer le concours d’entrée. Fréquents voyages au cours de ces années, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre (Londres principalement, où il séjourne longtemps en 1912).
En 1914, il réussit le concours d’entrée aux Affaires étrangères – en limite d’age.
En 1915, il est rattaché au service de propagande créé par le gouvernement pour la presse étrangère : la « Maison de la Presse », à laquelle est également rattaché,Cocteau, Giraudoux et Paul Morand.
En 1916, il est nommé Secrétaire d’ambassade à la Légation de France à Pékin.
En 1921, Alexis Leger participe en qualité d’expert politique à la Conférence internationale de Washington sur la limitation des armements et les questions d’Extrême-Orient. C’est à cette occasion qu’il est remarqué par son ministre, Aristide Briand qui va en faire son bras droit.
1922, de retour à l’administration centrale du Quai d’Orsay, il s’occupe de la sous-direction Asie-Océanie de la Direction des Affaires politiques et commerciales. Autour du petit cercle formé par les premiers écrivains de la NRF (Gide, Valéry, Rivière, Fargue), Leger participe à l’effervescence littéraire que fédère Adrienne Monnier dans le sillage de sa librairie de la rue de l’Odéon, « La Maison des Amis des Livres ». Il poursuit également sa pratique de la vie musicale parisienne, est lié à Stravinski, Nadia Boulanger et le « Groupe des Six ». Darius Milhaud met en musique le chant V d’Eloges. Louis Durey fera de même avec Images à Crusoé et Eloges.
En 1924, « Anabase » est publié dans la NRF. C’est la première fois qu’apparaît le pseudonyme de Saint-John Perse. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur.
En 1925, aux côtés d’Aristide Briand (dont il devient le chef de cabinet) et de Philippe Berthelot, Leger prend en charge une crise diplomatique en cours avec la Chine.
C’est également à cette époque qu’il commence à participer activement à la politique des Pactes impulsée par Briand, destinée à tisser un système d’accords diplomatiques entre la France et les pays européens qui permette d‘apaiser le climat de tension né des lendemains du Traité de Versailles et des atermoiements de l’attitude adoptée envers l’Allemagne vaincue.
Dans l’esprit de Briand, de Leger et de Berthelot, le maintien de la paix est le but avoué de cette politique volontariste qui débouche dans un premier temps sur le retrait de l’armée française de la Ruhr et sur la Conférence de Locarno, en octobre.
En Avril 1928, il élabore le Pacte Briand-Kellog qui représente l’inspiration pacifiste de la politique étrangère promue par Briand.
1929, Conférence internationale de La Haye. Collaboration avec Briand à un projet de fédération européenne, présenté à Genève, à une session de la Société des Nations.
1930, Leger rédige un mémorandum pour l’Organisation d’un régime d’union fédéral considéré comme l’un des prémisses de l’idée d’union européenne. le projet est présenté lors d’une session de la SDN.
1932, Mort d’Aristide Briand
1933, Promotion au grade d’Officier de la Légion d’Honneur, Léger devient Secrétaire général du ministère des Affaires Etrangères, poste qu’il occupera sans discontinuer jusqu’en 1940 et ce, en dépit d’une grande instabilité gouvernementale. La « pactomanie » que critiquent certains est pourtant reconduite par les ministres successifs, sous l’inspiration marquée de Leger qui représente en quelque sorte la continuité de la politique étrangère de la France en cette période : accord franco-russe (en vue de l’entrée de la Russie dans la SDN), accord franco-italien et Conférence de Stresa
En 1935. Leger est promu au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur.
En 1936, Favorable à une intervention militaire avec l’Allemagne – qui occupe désormais la rive gauche du Rhin, en rupture du Pacte de Locarno -, que le ministre Pierre Laval désavoue, Leger offre sa démission qui est refusée. En mai, c’est le gouvernement de Front populaire qui accède au pouvoir, avec à sa tête Léon Blum, très lié à Leger. Lors de la Guerre d’Espagne, Leger milite pour la non-intervention de la France. Il est entendu par Blum, même si le soutien français aux Brigades Internationales s’opère en sous-main.
En 1938, A la Conférence de Munich, Leger tente en vain de s’opposer au démantèlement de la Tchécoslovaquie que scellent pourtant au profit d’Hitler les accords signés le 29 septembre (avec la capitulation que l’on sait, à propos de la question des Sudètes). Lors de la négociation, il fait preuve en tant que conseiller diplomatique de Daladier, d’une véhémence toute particulière qui lui donne dès lors la réputation d’un « belliciste », l’heure étant aux funestes concessions qui déboucheront, l’année suivante, sur l’invasion de la Pologne et le déclenchement de la seconde guerre mondiale.
En 1940, A la suite d’intrigues de couloir au Quai d’Orsay, Alexis Leger est démis de ses fonctions de Secrétaire général du M.A.E, d’ailleurs en toute illégalité. Refusant un poste d’ambassadeur à Washington, il obtient d’être mis en disponibilité. En juin, il part pour l’Angleterre d’où il rejoint les Etats-Unis et New York en juillet, où il mènera dans un premier temps une vie assez difficile matériellement; en peu de temps donc, sa situation a changé du tout au tout : après la gloire des années du Quai d’Orsay, les difficultés d’un exilé démuni. En France, le gouvernement de Vichy le déchoît de la nationalité française et de l’ordre de la Légion d’honneur; son appartement parisien est pillé par la Gestapo.
1941, Sa situation s’améliore sensiblement grâce au directeur de la Bibliothèque du Congrès, Archibald MacLeish, qui lui propose un poste de conseiller littéraire budgétisé sur les fonds d’une fondation privée – proposition qu’accepte Saint-John Perse. Il rédige Exil, qu’il dédie à Archibald MacLeish et qui sera publié en français dans la revue américaine Poetryet à Marseille dans les Cahiers du Sud.
1942, Discours d’hommage à Aristide Briand, prononcé à New York. Rédaction du Poème à l’Etrangère, publié dans la revue fondée à New York par Yvan Goll, Hémisphères.
1943, Rédaction de Pluies.
1944, Neiges, publié par Roger Caillois dans sa revue de Buenos Aires les Lettres françaises, qui, dans la foulée, publie également l’ensemble du recueil Exil (qui paraîtra chez Gallimard l’année suivante).
1945, Rédaction de Vents dans une île côtière du Maine qui appartient à une amie, Elisabeth Chanler, « Seven Hundred Acre Island »
1946, Grâce à l’entremise de Katherine Biddle, il est désormais lié par contrat à la Fondation Bollingen (organisation de mécénat littéraire), qui lui alloue une sorte de pension mensuelle, moyennant l’exclusivité des droits de traduction anglaise de son oeuvre, dans la fameuse collection « Bollingen series ». Il décline la proposition pourtant très prestigieuse et financièrement alléchante d’une chaire à l’Université de Harvard, préférant se consacrer librement à son oeuvre, profitant de sa nouvelle situation.
1947, Début de la rédaction d’Amers toujours à « Seven Hundred Acre Island ».
1950, Grand Prix de poésie de l’Académie américaine et de l’Institut national des arts et lettres d’Amérique. Numéro d’hommage international à Saint-John Perse des Cahiers de la Pléiade, sous la responsabilité de Jean Paulhan.
1953, Les Editions Gallimard publient le premier volume des Œuvres poétiques de Saint-John Perse.
1957, Les Editions Gallimard publient Amers. Mina Curtiss, importante femme de lettres et musicologue américaine, avec qui Saint-John Perse est lié d’amitié depuis 1950, lui offre une splendide villa en France, sur la presqu’île de Giens (« Les Vigneaux »), après dix-sept ans passés hors de l’Hexagone. Au cours des années suivantes, il passera une partie du temps en Provence et l’autre partie aux Etats-Unis. Dans la « Biographie » de la Pléiade, Saint-John Perse est longuement revenu sur sa progressive adaptation à la Méditerranée, se définissant essentiellement comme « celtique ».
1959, Élection comme membre d’honneur de la Modern Language Association et docteur honoris causa de l’université de Yale. Obtention du grand prix national des Lettres en France, remis par André Malraux. Rédaction de Chronique.
1960, Membre honoraire de l’académie américaine et de l’Institut national des arts et lettres d’Amérique ; élu membre de l’académie bavaroise. Les deux volumes de l’Œuvre poétique sont désormais disponibles chez Gallimard.
Le 26 octobre 1960, lui est attribué le du Prix Nobel de Littérature, qui lui sera décerné le 10 décembre à Stockholm. Saint-John Perse prononce à l’occasion de la cérémonie officielle de remise du prix un discours mémorable et dense (Poésie) sur la mission de la poésie dans le monde moderne, qui sera reproduit en 1972 dans l’édition de la Pléiade.
1961, Le président Kennedy invite Saint-John Perse aux cérémonies officielles de l’Inauguration. Dans la « Biographie » du volume de ses Œuvres complètes dans la Pléiade, il précise pour cette année (p. XXX) : « Bref séjour à Paris, où il dîne avec Georges Braque en compagnie de Jean Paulhan ».
1962, Lors des quatre-vingts ans de Braque, Saint-John Perse collabore à une édition d’eaux-fortes du peintre, accompagnée d’une oeuvre originale qu’il écrit pour l’occasion et qu’il rebaptisera plus tard du nom de Oiseaux. Le volume est édité en tirages limités sous le titre de L’Ordre des Oiseaux. Nouvelle invitation du président Kennedy, à une rencontre entre les Prix Nobel. Après l’assassinat du Président américain, Saint-John Perse publie dans Le Monde du 26 novembre un article d’hommage, « Grandeur de Kennedy ».
1969, Publication de Chanté par celle qui fut là dans la NRF.
1971, Publication de Chant pour un équinoxe dans la NRF.
1972, Cette année voit l’achèvement de l’oeuvre qui à laquelle Saint-John Perse s’est attelé durant les dix dernières années de sa vie, à savoir la préparation minutieuse de ce « monument littéraire » qu’est le volume de ses Oeuvres complètes dans la prestigieuse collection de la Bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard.
Les Editions Gallimard publient donc le mystérieux volume, sans noms de spécialistes de l’œuvre (auxquels est pourtant traditionnellement confié ce type de parution). Sur la couverture, au lieu de l’habituel cliché de l’écrivain « pléiadisé », trône l’énigmatique image du masque de bronze de Saint-John Perse réalisé quelques années auparavant par le sculpteur hongrois Andras Beck.
1973, Publication de Nocturne dans la NRF.
1974, À l’initiative de Pierre Guerre, le poète réalise une donation de ses archives personnelles à la Ville d’Aix-en-Provence : c’est l’acte de naissance de la Fondation Saint-John Perse qui connaîtra au cours des années suivantes un développement continu.
Saint-John Perse s’est éteint le 20 septembre 1975, à l’âge de quatre-vingt huit ans , à la villa des « Vigneaux » – Giens, où il est enterré.
Bibliographie
Éloges, suivi de La Gloire des Rois, Anabase, Exil,
Ed Gallimard, 1967.
Vents, suivi de Chronique,
Ed Gallimard, 1968.
Amers, suivi de Oiseaux,
Ed Gallimard, 1970.
Œuvre poétique, I : Eloges, La Gloire des Rois, Anabase, Exil, Vents.
Ed Gallimard, 1953.
Œuvre poétique, I : Eloges, La Gloire des Rois, Anabase, Exil.
Ed Gallimard, 1960, 1967.
Œuvre poétique, II : Vents, Amers, Chronique.
Ed Gallimard, 1960, 1967.
Œuvres complètes,
Ed Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1972;
Edition augmentée en 1982.