L’Or des Iles vous ouvre une nouvelle fenêtre sur la Culture pour vous faire évader de ce confinement.

Pour cette quatrième interview spéciale confinement, nous avons laissé carte blanche à Florence Naprix pour parler de son art, de son confinement et de culture… .

Les confidences d’une artiste confinée

Non, je ne suis pas enfermée chez moi à écrire fiévreusement un nouvel album.
Non, la situation dans laquelle je me trouve aujourd’hui ne m’a pas spécialement rapprochée de mon art.
Non, je ne compte pas proposer de prestations en visio, de peur que le public ne m’oublie.
Et non, je ne suis absolument pas terrifiée par ce qui nous tombe dessus.

Je ne devrais pas le dire, parce que l’épidémie tue et que la peine et la douleur sont bien réelles, mais… je vis le confinement comme une aubaine.

Je suis une artiste hyper active. Aujourd’hui, quand on prétend vivre de son art, il vaut mieux ! Entre les cours de chant, les ateliers toutes les semaines en écoles de musique ou en hôpitaux, les prestations aux côtés des multiples groupes auxquels on appartient, les voyages incessants, et les projets que l’on porte avec passion à bout de bras, le temps passe extrêmement vite. Il en reste peu pour « le reste » : mon fils, les moments privilégiés entre amis, la création, l’apprentissage, d’autre chose et de soi-même, le rien, l’ennui, la découverte d’ailleurs, et que sais-je encore…

Le confinement est arrivé en plein milieu d’une saison riche en concerts. Je revenais d’une belle tournée en Guadeloupe avec mon spectacle Dans la peau de Mano, et je m’apprêtais à enchaîner sur la suivante, dans toute la France, avec C’est un joli nom, camarade/l’empreinte Ferrat, sur 2 mois, tout en préparant un été plein de promesses, et vlan ! D’un coup, tout se casse la figure et, comme tant de mes collègues, je suis désemparée : que faire ? Comment pallier le manque à gagner ? Et mon statut que je ne vais pas pouvoir renouveler ? Et ça va durer combien de temps ?

Je crois que cette incertitude a été le cap le plus difficile à traverser, pour moi… Ne pas savoir, quelle angoisse !

Une fois cette phase passée et apprivoisée, j’ai pris mon parti de cette drôle de situation, et j’ai décidé de la prendre comme un cadeau, une occasion inespérée de vivre autrement, au moins pendant quelques temps. Enfin, j’allais pouvoir ne pas faire ce que j’avais à faire et ce, sans culpabiliser !

Je me suis beaucoup reposée les deux premières semaines. Je ne m’étais même pas rendue compte à quel point j’en avais besoin. Je passe énormément de temps à cuisiner, aussi ! Je m’éclate à marier toute espèce d’ingrédients et à tester des recettes diverses et variées, le plus souvent complètement improbables. Et ma foi, le résultat est généralement formidable (à mes papilles, du moins). Il faut savoir qu’en temps « normal », je consacre très peu de temps à cette activité, bien trop chronophage à mon sens… Je fais du sport, presque tous les jours, pour le plaisir (et pour ne pas trop pâtir de ma nouvelle passion…). Je partage de jolis et longs moments avec mon fils de 5 ans et je suis heureuse de pouvoir le découvrir dans des facettes auxquelles jusque-là, je n’avais que très peu accès. J’ai décidé de profiter de ces jours offerts pour m’essayer à un nouvel instrument (nous verrons bien ce que j’en ferai). J’échange longuement avec des ami.e.s sur tous les sujets qui nous tiennent à cœur. Je découvre également, avec curiosité, la méditation et ses bienfaits. Bref, mes journées sont bien remplies mais à un rythme tellement bienfaisant !

Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Les promesses d’aide du gouvernement ne me rassurent pas, pour être honnête. Je vois mal comment l’Etat pourrait pallier la perte de tant de revenus, mais passons. Je me plais à rêver que cette crise amènera nos dirigeants à repenser et à façonner le monde autrement. Mais ça non plus, je n’y crois pas. C’est à chaque individu de tirer le meilleur, pour lui-même, d’abord, de cette situation inédite. Ainsi, je l’espère, nous serons en mesure de proposer un autre avenir à nos enfants. En mesure de transformer l’effroi, la peur, la douleur, le traumatisme, en quelque chose de merveilleux, comme la vie sait si bien le faire.

Florence Naprix