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Le Patrimoine est aussi Musical … en Langues Régionales

Paris, le 16 septembre 2016

Communiqué de presse

 

A la veille des Journées Européennes du Patrimoine 2016, l’Or des Iles et le CRAN souhaitent réagir aux différents articles parus ces jours derniers sur l’instauration d’un quota pour les musiques en langues régionales. Certains commentateurs en utilisant des formules racoleuses et des arguments fallacieux.

Selon certains, ce quota n’est pas applicable parce que les chansons en corse ou en créole ne sont pas dans leur « ligne éditoriale », et « il n’y a pas assez de morceaux pour se conformer à cette obligation ». Pour d’autres, cet élan de « dirigisme » porte atteinte à la « liberté d’entreprise », et manifeste une logique « protectionniste » dont il faut se méfier.

Il convient de répondre à ces attaques qui ont pour seul fondement l’ignorance et la mauvaise foi de ceux qui s’y emploient. Tout d’abord, ce quota ne vise pas que le zouk et les chants corses, il vise toutes les interprétations en langues régionales, quel qu’en soit le genre. Par ailleurs, il s’agit seulement de 4% du quota de 40% réservé à la musique française, ce qui ne représente guère plus de 1% du total. Ce n’est donc pas « l’invasion » dont parlent certains. Ce quota est applicable et entre dans les lignes éditoriales de certaines des radios les plus spécialisées, mais pour cela, un travail de recherche et d’écoute de nouveaux artistes doit être fait, ce qui bouscule un peu les habitudes paresseuses.

Il ne s’agit pas de dirigisme musical, au contraire, c’est un moyen d’instaurer de la diversité musicale dans un milieu peu enclin à le faire. Les grands médias ont abandonné la diversité des genres musicaux, contraignant ainsi leurs auditeurs à des choix très limités qui ont pour effet de restreindre l’éventail des artistes diffusés sur les ondes et d’amoindrir la création artistique. Là est le véritable dirigisme musical. Il y a déjà un quota de 40 % pour la musique française (et c’est grâce à cela que nous ne sommes pas totalement inondés de musique américaine), on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas avoir à l’intérieur une autre protection pour intégrer les artistes qui recourent à des langues qui font partie du patrimoine français.

On peut vendre sans contrainte particulière de nombreuses marchandises, comme les tapis ou les paillassons. Mais la culture n’est pas un paillasson, elle n’est pas une marchandise comme une autre. Elle est l’âme des peuples et des nations, et c’est pourquoi elle est protégée d’une manière particulière. Il y a des lois, il y a des instances comme le CSA, y compris au niveau international comme l’Unesco, il y a des politiques culturelles, pour éviter que les cultures hégémoniques n’écrasent toutes les autres. Ce que certains appellent « dirigisme », c’est ce que nous, en suivant l’Unesco, nous appelons « l’exception culturelle».

Ce quota n’est pas la fin de la liberté d’entreprendre, mais il devrait permettre la fin d’un monopole qui impose ses choix stratégiques en fonction de sa rentabilité immédiate et non pour la défense des artistes. Il n’est pas anodin de constater que les médias les plus vindicatifs sont ceux possédés par de grands groupes industriels, en général plus soucieux d’uniformiser la consommation de masse que de défendre la diversité culturelle. Là est l’appauvrissement de la liberté d’entreprendre.

Ce quota n’est pas un repli protectionniste, car il vise à rendre justice aux artistes de tous horizons, aussi bien proches que lointains. Ces artistes sont parfois connus et reconnus à l’international, mais ignorés dans leur propre pays et écartés des programmations musicales des médias. Aux détracteurs de ce quota qui brandissent le chiffon rouge du repli protectionniste, nous rappelons que le quota des musiques francophones aurait dû permettre la production d’artistes régionaux, mais cela n’est pas, alors que le genre musical correspond aux lignes éditoriales des médias ciblés.

Sous l’apparence d’un discours libéral, qui est en fait l’expression la plus sauvage du mondialisme qui écrase tout, on tue les langues, on asphyxie des cultures, on détruit des patrimoines par dizaines. En droit international, cela s’appelle un ethnocide.

 

Guillaume DELENCLOS
Président de l’association l’Or des Iles
 Louis-Georges TIN
Président du CRAN
Eléonore BASSOP
Vice-Présidente du CRAN