Jean-Benoit DESNEL

Dans le paysage et le patrimoine culturel antillais, il n’y a pas que la musique, qui tient le haut de l’affiche.
La littérature antillaise est bien vivante et très prolifique et elle fait rayonner ses mots et et ses lettres à travers le monde, mais peu en France.

Aujourd’hui pour notre quatrième interview –Dé mó, kat pawol – nous accueillons une personne que nous n’entendons pas assez mais qui apporte beaucoup à notre culture, l’éditeur Jean-Benoit Desnel.

Jean-Benoit Desnel vous êtes editeur. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous vous présenter et mettre en lumière votre métier et votre maison d’Editions ?
Les éditions Desnel ont été créées dans la volonté de publier notre Histoire, notre Culture, écrites non pas à travers la plume et le regard des autres, mais le regard de nous-mêmes, et de façon professionnelle, c’est-à-dire avec la volonté d’asseoir la distribution et la diffusion de nos livres non seulement en France continentale en plus des Dom-Tom, mais aussi sur des espaces comme la Belgique, la Suisse et même le Québec pour des lecteurs francophones, avec des livres conçus comme des ouvrages de qualité pouvant rivaliser avec les livres des grandes maisons d’édition parisiennes, qui sont présentes sur ce même segment que nous, celui de la littérature du Sud.
Ceux qui ne me connaissent pas ! Pas important… Mais connaître nos ouvrages serait mieux… Je suis le directeur d’une jeune maison d’édition éponyme, les éditions Desnel, qui souhaite, à partir des Antilles, mettre l’accent sur les auteurs de nos régions, et parfois d’ailleurs, mais généralement des Antilles, d’Afrique du Nord, d’Afrique occidentale etc…

L’Editeur et découvreur de talent que vous êtes, peut-il nous dire si la littérature Caraïbéenne a un impact culturel et une importance dans l’Europe (et par extension dans le monde) ? Mais question majeure, a t’elle assez de sang neuf pour se renouveler ?
Les talents sont là chez nous, pour reprendre une expression de l’écrivain guadeloupéen Ernest Pépin, qui m’adressait ce compliment, disant que je suis « un polisseur de talents ». Notre littérature existe et a déjà conquis le monde, avec des auteurs comme Aimé Césaire, St-John Perse, Suzanne Dracius, Ernest Pépin, Edouard Glissant et bien d’autres… Mais de nos jours il faut mettre en place des moyens colossaux pour rattraper le retard certain pris à faire éclore des talents nouveaux, qui sont des témoignages de notre société en mutation. S’il nous est plus difficile de trouver de jeunes auteurs prometteurs pour des romans, des œuvres de fiction, les choses sont plus faciles pour le genre littéraire de l’essai soit historique, socio-politique, soit économique ou écologique. Nos régions possèdent bon nombre de jeunes universitaires de talent et hyper-diplômés ayant des analyses avant-gardistes sur les mouvements de mutations de nos sociétés Outre-mer.

Pour vous Jean-Benoit, quelles sont les qualités et les défauts , pour qu’un livre soit ou ne soit pas, un best-seller sur le marché métropolitain (et européen), tout en étant empreint de la culture antillaise ?
Oh malheur, bon nombre de journalistes de nos régions, qui sont dans l’analyse de la production éditoriale de nos régions, sont happés par cette notion très floue du best-seller… Nos marchés sont étroits, nos littératures sont identitaires, elle parlent de nous… de nos blessures, témoignent de la métamorphose de nos sociétés post-coloniales, donc il est important de se battre à travers notre littérature, mais aussi à travers notre musique, notre cinéma, pour arracher des esprits chagrins que nous sommes des Hommes sans Histoire, sans passé, et du coup sans avenir. Donc nos livres ne trouvent pas sans doute un large public, par le contenu qui dérange encore bon nombre de ceux qui veulent se voiler la face sur les méfaits du colonialisme et du capitalisme dans nos petits pays. La littérature du Nord envahit plus facilement encore de nos jours les rayons des librairies, et même chez nous. La bataille peut paraître perdue d’avance, mais c’est là que réside la résilience de tous ces petits éditeurs qui forment la chaîne du livre, composée, chez nous, de maillons faibles qui rendent plus difficile une visibilité accrue des livres de certains éditeurs. Nous, éditions Desnel, avons non sans peine réussi ce pari, en gardant l’espoir que beaucoup plus de lecteurs, à Paris et ailleurs (un lectorat qui nous est dédié, de par les thématiques abordées dans nos titres) poussent les portes de libraires ou de grandes surfaces spécialisés ; la survie de nos petites structures en dépend.

A l’heure où internet et les tablettes numériques prennent une part importante dans la vie des gens. Que pensez-vous du livre numérique ? En parallèle des sorties papier, les Editions Desnel vont elles orienter certaines publications vers le numérique ?
Le bizness autour du numérique, tablettes et livres numériques, mal maîtrisé par nos petites maisons d’édition, risque de nous être préjudiciable sur les ouvrages grand public (romans), car l’offre en ligne sur le Net ne laissera place qu’à ceux qui ont les moyens énormes de communiquer sur tous les médias. On le voit déjà avec les romans de jeunes écrivains parisiens qui bénéficient de plan comm’ énorme. Là leurs livres sortent de la gamme de produits culturels, pour devenir un produit commercial tout simplement, sans aucune garantie de qualité. Il suffit que l’auteur soit people et médiatique pour que son livre fasse le buzz.

Si nos lecteurs veulent vous rencontrer cet été, où peuvent-ils vous trouver ? (Salons, foires,….)
Les rendez-vous littéraires imminents sont le Festival du livre à Lodève du 16 au 22 juillet, puis du 23 au 31 juillet à Sète. Au mois d’août,à noter la participation de l’écrivaine Suzanne Dracius au Salon du livre insulaire d’Ouessant du 19 au 24 août.

Jean-Benoit, en avant première sur l’Or des Iles, pouvez vous donner à nos lecteurs, vos prochaines sorties (rentrée littéraire) ?
PLUMES REBELLESPLUMES REBELLES (essai) de l’Outre-mer français d’Amérique d’hier et d’aujourd’hui, ouvrage collectif coordonné par Suzanne Dracius. (Prix public TTC 12,80 euros / 318 pages).
Hollywood SaigneHOLLYWOOD SAIGNE (roman) en poche de David Diamond alias David Diomandé. (Prix public TTC 11,80 euros / 420 pages).