Marie Reine de JahamAujourd’hui, dans notre interview « Dé mó, Kat pawol », je reçoit l’écrivaine et auteure à succès martiniquaise Marie-Reine de Jaham, dont les romans sont devenus de grands classiques de la littérature Antillaise.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore Marie-Reine de jaham, vous êtes l’une des écrivaine martiniquaise qui décrit avec la plus grande justesse la société créole. 
Vous avez commencé votre carrière d’écrivaine par le roman « la Grande Béké » suivit du « Maitre savane » et du « Libanais ». Pouvez vous nous raconter comment vous est venue l’inspiration pour l’écriture de cette formidable saga ?

Je suis venue à l’écriture par un curieux hasard. J’étais à New York et débutait ma carrière de publicitaire dans une grande agence de Madison Avenue, après avoir fait une école d’art, Parsons School of Design. L’agence m’a donné le choix entre devenir directeur artistique ou rédacteur-concepter, chose surprenante car je maîtrisais imparfaitement l’anglais. Mais le défi m’a stimulée, j’ai donc bifurqué vers l’écriture au lieu de l’art. Le virus a fait son chemin. En même temps, le souvenir de mon enfance à la Martinique n’avait cessé de me hanter. Et puis un jour je me suis lancée. « La grande béké » est née. C’était à Paris, en 1989.

Quel est votre rapport à Fleur ?

Fleur de Mase de la Joucquerie est un personnage composite: il y a en elle, beaucoup de mon grand-père, Victor Depaz, rescapé de l’éruption du volcan Pelée en 1902, et beaucoup de moi-même. Je suis exigente, idéaliste et pragmatique.

Comment avez vous perçu l’adaptation Télévisuelle des deux premiers tomes de la saga de la Grande Béké, et le jeu de Line Renaud (question qui me taraude depuis bien longtemps) ? Pensez vous que l’adaptation de votre saga a été un vecteur de la valorisation de la culture créole et de sa compréhension ?

Sans mettre en cause le jeu et la forte présence de Line Rernaud, qui comme toujours crève l’écran, je n’ai pas retrouvé dans le film l’esprit du livre, les finesses de cette âme créole que je connais bien étant moi-même créole. Le meilleur interprète dans le film est Joby Barnabé, qui joue le personnage de Marcel. Je ne pense pas hélas que le film ait été un vecteur de valorisation de la culture créole ni de sa compréhension.

Vos derniers romans, « La Véranda Créole » et « La Caravelle Liberté » évoquent la société créole du XVIIIe siècle. Une époque cruciale empreinte de liberté qui n’a pu s’accomplir qu’en 1848. Vous qui décrivez et dépeignez si bien l’histoire des Antilles, quel regard portez vous sur la Martinique actuelle et les plus généralement sur les Antilles, tant sur le plan sociétal que sur le plan politique ?

Un regard inquiet. Il nous faudrait de vrais chefs, charismatiques, passionnés, réalistes et opiniâtres, capables de voir grand et loin. Cela vaut aussi pour la France, pour le monde entier. Nous vivons une crise de leadership.

« L’Or des îles » et « Le Sang du volcan », retracent l’âpre et flamboyante épopée de deux lignées rivales, blanche et noire qui, au fil des passions, ont mêlé chacune à leur sang une goutte d’un sang autre et ont su se réunir pour la conquête de la liberté. Le site l’Or des Îles est , comme vous vous en doutez, né après la lecture de vos romans. « La liberté qui réunit ceux que tout oppose, ont en commun la culture. » Que pensez vous de cette phrase ? La culture peut elle être le ciment qui manque parfois aux Antilles ?

Oui. La culture est un ciment. A condition de ne pas être hypocritement instrumentalisée à des fins purement idéologiques et politiques.

En tant qu’écrivaine martiniquaise vous faites partie du cercles de ceux qui font rayonner la culture antillaise à travers le monde. Quelles sont vos relations avec la communauté culturelle et artistique antillaise ? Selon vous la culture antillaise est elle aujourd’hui assez représentée ou, comme à mon impression toujours aussi largement ignorée ? Quels remèdes pour son développement, pourrions nous y apporter ? Que pensez vous de la nouvelle générations (écrivains, musiciens, chanteurs) ? Quels artistes préférez vous dans le paysage culturel et artistique antillais ?

Les écrivains et artistes antillais jouissent, me semble-t-il, d’une bonne représentation dans l’hexagone, voire dans le monde. Césaire le Martiniquais. Basquiat le Haïtien. Deux étoiles de première maganitude. Et Henri Guédon. Et Patrick Chamoiseau. Et tant d’autres. Mais réussir nécessite plus que du talent : du travail, de la pugnacité.
Les Antilles sont petites. La concurrence est internationale. Il faut se battre pour percer. Alors battons-nous.

On vous connaît comme écrivaine, auteure à succès et depuis 10 ans maintenant, organisatrice d’évènements culturels avec le Cercle Méditerranée Caraïbe. Vous organisiez notamment à travers cette association, le Festival Créole, qui en 2011 pour sa 7ème Édition, a connu un beau succès. Pouvez vous revenir sur cette formidable vitrine culturelle et nous donnez les motivations qui vous ont porté pendant 12 ans ? Pouvez vous également nous dire pourquoi l’année 2012 n’a pas été ponctuée d’une édition du Festival Créole ? Avez vous d’autres évènements en préparation en France et aux Antilles ?

L’envie de faire connaître et aimer la culture créole m’a toujours guider. Le Festival Créole que j’ai créé à Nice en l’an 2001 s’est arrêté en 2011, tout simplement parce que j’ai quitté Nice. J’habite maintenant en Bourgogne, un coin très retiré, très campagnard, qui porte le joli nom de Maison Bleue. Pas question d’y faire un festival, mais j’étudie actuellement des possibilités dans la région.

Avant de refermer cette interview, Marie-Reine de Jaham, je vous laisse le mot de la fin, mais avant, question indiscrète avez vous un nouveau roman en préparation ?

Pour l’instant pas de livre en préparation. Je veux consacrer du temps à étudier, méditer, voyager… sans pour autant perdre le contact avec le monde créole, où sont mes racines et où j’ai le bonheur d’avoir des amis.