Une petite histoire de Noël – Un Noël du temps d’enfance – de Tony Mardaye rédigé dans le cadre de nos interviews « Dé mó, kat pawol » .

Nous avons demandé à des amis de raconter leurs meilleurs souvenirs de Noël, mais avant tout cet article est une carte blanche artistique pour un Noël magique.

Je ne garde de traces indélébiles dans ma mémoire de mes Noëls d’enfance, pas de souvenirs immarcescibles des convivialités noèlesques, ni des grandes tablées familiales, ni des agapes somptueuses séant à cette solennité. Est-ce dû au fait que j’ai dû grandir trop vite ou que le déracinement m’a confronté à une altérité déplaisante, tuant mes rêves d’enfant. Je ne saurai le dire, d’ailleurs je ne m’interroge ni ne cherche de réponses à cette question, toutefois en puisant dans ma conscience, de mes souvenances ce qui afflue, c’est une atmosphère, des odeurs, des humeurs, et des rêves.

Les rêves d’ailleurs fantasmés – l’étroitesse de l’île entraînant mon regard d’enfant au-delà des horizons, au-delà de la mer, je m’y échappais, à Noël mes rêvasseries m’amenaient vers des paysages enneigés, je m’imaginais des Noëls blancs, des Noëls étincelant, de chaumières, de cheminées qui fumaient, et de père Noël à la barbe blanche, les images d’Épinal dans mes livres d’école des Noël de France appétaient mon imagination, je n’avais rien de tels en Martinique, alors je rêvassais.

En décembre, le temps fraîchissait, le serein des soirs d’hivernage nous frigorifiait, ma mère vêtait ma sœur et moi d’une petite laine, pour nous protéger de la (flemme), lorsque nous guettions l’étoile du Berger, cherchions l’étoile polaire dans ce ciel lumineux, nous contemplions les cieux et nos esprits divaguaient, parfois ma mère se joignait à nous, nous faisant la lecture de ce ciel si fantastiquement beau sous les tropiques : la constellation d’Orion, les trois étoiles qui la traversent sont les trois rois mages en route vers Bethléem, à l’écouter le ciel devenait magique et la froidure s’estompait quand nous blottissions nos corps contre le sien.

La maison s’odorait, des senteurs propre à Noël, de l’anis, du coco, des sirops de groseille-pays, à Noël ce sont les odeurs qui prédominent et cette effervescence qui poignait en chacun de nous. Ma mère préparait les punchs, les confiseries de Noël, la maison était joyeuse, plus encore quand mon père revenait avec le sapin, pas vraiment un sapin mais une branche de filao, pas vraiment un conifère non plus, mais sous certains aspects y ressemblait, nous nous contentions, que dis-je, nous étions en joie, nôtre Noël se rapprochait des Noëls magiques, des Noëls blancs, nous décorions notre « sapin » avec amour, nous accrochions les boules de Noël, nous l’enguirlandions et placions l’étoile annonciatrice de la naissance de l’enfant Jésus en son faîte. 

Et en regardant notre « sapin » notre esprit vagabondait plus encore, ma sœur et moi délaissions les Noëls blancs, pour nous remémorer nos cours de catéchisme à propos des tribulations de Marie, nous étions imprégnés de cet imaginaire chrétien, celle de la nativité, nous nous offusquions de la méchanceté des hommes, et remercions le Seigneur de nous avoir envoyé son fils unique pour racheter nos péchés.

 Nous attendions que nos parents déposent nos cadeaux au pied de notre « sapin », l’attente nous rongeait, l’impatience grandissait au fil des heures, la fatigue finissait par avoir raison de nous, nous endormions, nos parents profitaient pour se rendre à la messe de minuit, et le lendemain, le 25 décembre nous déballions nos cadeaux, et la magie de Noël s’opérait en nous, la joie se lisait sur nos visages.

Joyeux Noël à tous et à toute !