La famille de Bologne

La distillerie Bologne tire son nom des propriétaires de la sucrerie aux 17ème et 18ème siècles. La famille de Bologne, protestante originaire du Dauphiné, migre en Hollande pendant les guerres de religion qui secouent la France du 16ème siècle. Dès 1580, les Bologne s’installent au Brésil, alors colonie hollandaise, pour y cultiver la canne à sucre…

En 1640, le Portugal déclare et remporte la guerre face aux Pays Bas : le Brésil passe alors sous pavillon portugais. Chassés, les hollandais du Brésil embarquent sur des navires à destination des Antilles. C’est ainsi que les Bologne accostent en Guadeloupe en 1654, après avoir été délogés de la Martinique, car protestants. Ils décident alors d’implanter une activité sucrière sur les pentes fertiles de la Soufrière.
C’est ainsi que depuis plus de 3 siècles, l’habitation sucrière de Bologne a été façonnée par les hommes…

Le Chevalier de Saint George

De la terre féconde de Bologne est né en 1739 le Chevalier de Saint George. Fils d’une esclave d’origine sénégalaise et du propriétaire de Bologne de cette époque, le beau Joseph de Bologne, quoiqu’encore mal connu en France, apparaît pourtant comme l’une des figures les plus romanesques du XVIIIème siècle !
Après une enfance passée en Guadeloupe et à Saint-Domingue, Saint George est vite adopté par l’aristocratie parisienne pour ses multiples talents : escrimeur, danseur, séducteur, et surtout musicien, il dirige le Concert des amateurs, puis la société de concert de l’Olympique, considérés comme les meilleurs d’Europe. Il commande à Haydn ses symphonies parisiennes, passe pour le rival de Mozart, et devient le premier noir franc-maçon de France.
Ami intime du duc d’Orléans, il habite l’un des plus somptueux hôtels particuliers de la rive gauche. Il est nommé directeur de l’Opéra royal par Louis XVI, mais devra finalement y renoncer…
A Londres, il se bat en duel contre le chevalier d’Eon, avant de s’engager corps et âme pour la Révolution : il crée alors un régiment de noirs et de métis, la légion de Saint-George, qui combat sur les frontières du nord.
Trois ans après la mort de Saint George, en 1799, Napoléon rétablit l’esclavage, et le « Voltaire de la musique » selon l’Abbé Grégoire, ou « Watteau de la musique » selon Laurencie, s’enfonce dans une nuit de deux siècles*.
C’est le destin de ce répudié de l’histoire que nous ne cessons de faire vivre à Bologne, qui l’a vu naître.
Depuis une dizaine d’années, de concert avec les guadeloupéens, nous rendons hommage à la vitalité et à la prééminence dans son siècle du grand Saint George, dont on ne se lasse pas de lire les aventures et d’écouter la musique.

* « Monsieur de Saint-George, le nègre des lumières ». Alain Guédé Ed. Actes Sud 1999

Jean-Noël AME-NOEL, premier homme de couleur grand propriétaire en Guadeloupe

L’habitation-sucrerie de Bologne, nom donné alors aux plantations de cannes à sucre, connaîtra au cours des siècles des hauts et des bas, comme toutes les sucreries de l’époque, liés aux vicissitudes de l’histoire, et de la révolution française notamment, jusqu’au 26 mai 1830 où Jean-Noël AME-NOEL s’en porte acquéreur.

Originaire de Bouillante en Basse-Terre (Guadeloupe), il est le premier homme de couleur « libre de naissance » à devenir propriétaire d’un domaine aussi étendu (114 hectares) que l’est alors celui de l’Habitation Bologne. Il décédera 15 ans plus tard, en 1845, sans avoir vécu l’abolition de l’esclavage. On l’enterre dans les jardins du domaine où son tombeau y est toujours visible.

De 1873 à Louis Sargenton-Callard

En 1873 le domaine endetté des AME-NOEL est vendu aux enchères et reconverti par les Le Dentu en usine sucrière. Cette usine sucrière de la Basse-Terre marque un réel tournant dans l’évolution de l’industrie du sucre : elle traite en effet toutes les cannes des habitations environnantes. Elle ne parviendra cependant pas à être rentable et le domaine sera démembré pour être vendu.

En 1932, Louis Sargenton-Callard se porte acquéreur de la distillerie. Patiemment, il aura à cœur de reconstituer l’Habitation d’origine en rachetant les propriétés voisines de Beauvallon puis de la Coulisse.
Il acquit ensuite la propriété de Fromager à Capesterre, sur le versant Est de la Soufrière, soucieux de préserver l’indépendance du domaine pour ses approvisionnements en cannes à sucre.
Sous son impulsion l’habitation se spécialise dans la production de rhum agricole. Pendant près de 40 ans, Louis Sargenton-Callard a élaboré des rhums d’exception en s’appuyant sur ce domaine de cannes à sucre unique. Un ancrage profond dans ce patrimoine vivant et la passion de ce terroir chevillée au corps, il a apporté à Bologne la rigueur, la précision, et l’expertise.

Son ambition qualitative s’est d’abord traduite dans le profond respect du terroir qui l’animait. Cette approche a été rendue possible grâce à sa vision stratégique de l’importance cruciale pour une distillerie de détenir ses propres plantations de cannes à sucre : seule garantie que la récolte sera effectuée à maturité parfaite, et que la coupe et le transport des cannes se feront dans les conditions optimales, afin d’en extraire le meilleur.
On lui doit cette particularité de Bologne, par rapport aux autres distilleries de la Guadeloupe, qui permet jusqu’à ce jour d’appréhender les spécificités de chaque parcelle pour les laisser exprimer toute leur authenticité.